L’Azuré des mouillères sous la loupe du CEN

Piloté par Cistude Nature, le programme des Sentinelles du Climat en Nouvelle-Aquitaine réunit de nombreux partenaires. Ainsi, le Conservatoire d’Espaces Naturels de Nouvelle-Aquitaine contribue aux suivis d’Azuré des mouillères, papillon des landes humides. Kevin Le Falher et Pierre-Yves Gourvil racontent…

« 1 pied, 3 hampes, 1 bourgeon sur 2 hampes, 3 œufs sur bourgeons, 1 pied, 5 hampes… »

Des voix dans la lande

C’est une litanie, comme un mantra, que l’on pouvait entendre une fois par semaine entre mi-juin et début septembre sur deux sites du Conservatoire : “1 pied, 3 hampes, 1 bourgeon sur 2 hampes, 3 œufs sur bourgeon, 1 pied, 5 hampes, 2 bourgeons, 1 pied, 1 hampe, 1 fleur…”. Sur la lande d’Ellorimendi à Mouguerre et sur une lande humide à Laruns (Pyrénées-Atlantiques), 15 bénévoles se sont succédé, accompagnés par 2 salariés du Conservatoire, et ont toutes et tous fredonné ce refrain. Les termes de ce “chant” peuvent vous paraître étranges et pourtant par ces quelques mots, il y a là les informations essentielles pour répondre aux nombreuses questions posées par le changement climatique actuel et à venir.

Le refrain de la gentiane et l’azuré

Comme tous les ans depuis 2017, le Conservatoire d’espaces naturels Nouvelle-Aquitaine réalise un suivi scientifique ciblé sur la Gentiane pneumonanthe (Gentiana pneumonanthe) et l’Azuré des mouillères (Phengaris alcon). Des données précieuses pour comprendre les effets du climat sur la phénologie et le développement des deux espèces. Depuis 2017, avec des années marquées climatiquement (comme en 2022), on note déjà des évolutions marquées dans la phénologie des deux espèces.

Suivis d'Azuré des mouillères assuré par le CEN
Photo : Kevin Le Falher

Un quadrat en poupées russes…

Pour ce suivi, il faut comptabiliser de manière exhaustive les pieds de Gentiane pneumonanthe et les œufs de l’Azuré. Il a donc été nécessaire de localiser précisément la zone de suivi. Un quadrat (carré) de 100 m² servira de base au suivi tous les ans. Mais 100 m² c’est grand quand on cherche une plante de quelques centimètres ! Ce grand quadrat est donc divisé en 25 quadrats de 4 m². Mais là aussi il est possible de se perdre dans 4 m² lorsque l’on est le nez dans l’herbe… Ce quadrat de 4 m² est donc encore divisé en 4 carrés de 1 m². Avec ce système en poupées russes, il est possible de suivre l’évolution des pieds de gentiane et des pontes de l’azuré en y passant une fois par semaine. Ainsi l’apparition des bourgeons, des fleurs et des œufs d’azuré est suivi puis analysée en mettant en lien les paramètres météorologiques. Une BD réalisée dans le cadre du programme raconte l’ensemble des rouages constituant le protocole.

Un trio étonnant !

Ponte d'Azuré des mouillères sur un bouton de Gentiane pneumonanthe. Photo : Justine Poujol

L’Azuré des mouillères, de son nom latin : Phengaris alcon, est une des espèces sentinelles de ce programme. Son cycle de vie est très particulier, car il dépend d’une seule plante pour la ponte et l’alimentation de sa chenille, la Gentiane pneumonanthe, mais aussi de fourmis du genre Myrmica. Ces fourmis permettent aux chenilles de passer l’hiver au chaud dans la fourmilière, nourries, logées et même s’alimentant tranquillement du couvain. Il est essentiel pour la chenille que l’œuf soit pondu sur les bourgeons ou les fleurs de la gentiane.

Or le changement climatique bouleverse la phénologie de la plante et de l’azuré. Des épisodes chauds et secs favorisent une précocité dans le bourgeonnement de la gentiane mais également un plus faible développement de pieds, alors que des printemps pluvieux retardent le bourgeonnement mais favorisent un nombre de pieds élevés. Tous ces changements ont un impact sur la reproduction de l’azuré, et l’effet du changement climatique qui accélère le rythme de ces changements, peut avoir un effet négatif à terme sur la reproduction de l’espèce. Connaitre les paramètres micro-climatiques qui influencent la phénologie et le développement des espèces pourrait permettre de cibler des actions de gestion permettant d’atténuer les effets météorologiques extrêmes. C’est l’objectif final de ce suivi.

Un grand merci aux bénévoles 2024 : Pierre, Etienne, Angie, Anthony, Jean-Jacques, Claude, Anne, Valentin, Alicia, Maïa, Mélina, Fabrice, Maiana, Mathilde et Hayzé.

Pour en savoir + sur l’Azuré des mouillères et les suivis réalisés dans le cadre du programme : cliquez ici

Les derniers résultats :
Vidéo montrant les résultats récents sur l’Azuré des mouillères dans le cadre d’un stage réalisé à Cistude Nature
Poster des résultats 2023 du programme