Premiers résultats des suivis de la rainette ibérique
Entre 2016 et 2021, le suivi par écoute des mâles chanteurs dans les lagunes du triangle landais, et les études expérimentales menées par le laboratoire CNRS du Centre d’Études Biologique de Chizé, ont permis de dégager quelques enseignements importants pour la compréhension des effets potentiels du changement climatique sur cette espèce.
Pour rappel, dans le triangle landais, deux espèces de rainettes sont présentes :
- la rainette ibérique, d’affinité fraiche,
- la rainette méridionale, d’affinité méditerranéenne.
La rainette ibérique, une espèce « du froid »
En comparant les conditions météorologiques des suivis réalisés chaque année, des tendances sur les préférences thermiques et hydriques de ces rainettes se dégagent, et permettent d’envisager les conséquences du changement climatique pour ces espèces.
Car ces conditions météorologiques influencent l’activité des rainettes ibériques. Le nombre de mâles chanteurs est plus important les années les plus pluvieuses et fraiches (2018 et 2020) comme le montre le graphique. Ce phénomène ne s’observe pas pour la rainette méridionale.
Description du graphique
Ce graphique présente, en abscisse, les années de 2017 à 2021 et, en ordonnée, le nombre de mâles chanteurs de rainette ibérique (entre 0 et 40). Ce nombre est représenté par un bloc bleu clair pour les années fraiches (2018 et 2020), et un bloc bleu foncé pour années plus chaudes et sèches (2017, 2019 et 2021). Le nombre d’individus est plus important les années fraiches.
Par ailleurs, le nombre de mâles chanteurs de rainette ibérique est plus important quand l’hygrométrie ambiante est forte, et donc l’air moins desséchant (graphique ci-dessous).
Description du graphique
Il présente, en abscisse, le pourcentage d’humidité de l’air, et, en ordonnée, le nombre d’individus qui chantent. Le nombre d’individus entendus pour une hygrométrie donnée est représenté par un cercle noir. Se dessine un nuage de cercles correspondant à chaque session réalisée sur chaque site sur toutes les années de suivis. Une droite de régression est calculée et représentée en bleu sur le graphe. Elle est ascendante : plus l’air est humide, plus le nombre de rainettes ibériques entendues est important.
Cette relation n’existe pas pour la rainette méridionale dont l’activité est moins dépendante des conditions d’humidité de l’air (voir le graphique ci-dessous).
Description du graphique
Il présente, en abscisse, le pourcentage d’hygrométrie de l’air, et, en ordonnée, le nombre d’individus qui chantent. Le nombre d’individus entendus pour une hygrométrie donnée est représenté par un rond noir. Se dessine un nuage de ronds correspondant à chaque session réalisée sur chaque site sur toutes les années de suivi. Une droite de régression est calculée et représentée en vert sur le graphe. Elle est relativement horizontale : l’humidité de l’air n’a pas d’influence sur le nombre de mâles chanteurs chez la rainette méridionale.
Mise en évidence expérimentale de la sensibilité à la sécheresse de la rainette ibérique
Les pertes hydriques cutanées de la rainette méridionale sont très inférieures à celles de la rainette ibérique, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessous. Ces différences révèlent des adaptations contrastées et des tolérances à l’évaporation différentes entre les espèces. En conditions sèches, l’état physiologique et la balance hydrique de la rainette ibérique peuvent être compromis.
Description du graphique
En ordonnée, les pertes hydriques cutanées sont représentées. Elles sont calculées, en conditions sèches, pour deux espèces : la rainette ibérique (à gauche, représentée par sa photo) et la rainette méridionale (à droite, représentée par sa photo) et matérialisées sur le graphe par deux points verts. Ces pertes sont d’environ 62 g.m-2.h-1 pour la rainette ibérique, et de 56 g.m-2.h-1 pour la rainette méridionale : les pertes en eau sont supérieures pour la rainette ibérique.
D’autres expérimentations mettent en évidence des comportements d’adaptation de la rainette ibérique, comme le présente le graphique ci-dessous. Des ajustements posturaux lui permettent de limiter ses pertes hydriques et de résister aux conditions desséchantes. Pour ce faire, elle se plaque contre un support et évite ainsi des déperditions hydriques par sa face ventrale.
Description du graphique
En ordonnée, les pertes de masse (proxy des pertes hydriques corporelles) sont représentées. Elles sont calculées en condition sèche sans (pertes représentées par un cercle noir) ou avec (pertes représentées par un triangle noir vide) support, et en condition humide sans (pertes représentées par un rond noir) ou avec (pertes représentées par un triangle noir plein) support. On observe que, avec support, dans les deux conditions, la perte de masse est moins importante, avec un effet plus important en condition sèche.
En conclusion, le maintien au sein des lagunes de microhabitats de bonne qualité a une importance essentielle pour permettre à cette espèce d’ajuster son comportement en fonction des conditions météorologiques.
Il est en même temps nécessaire, pour atténuer les effets du changement climatique, de préserver les lagunes, seuls refuges frais et humides dans un contexte chaud, en agissant pour le maintien du niveau des nappes par exemple, soit d’un niveau d’eau suffisant pour freiner l’assèchement de ces zones humides, accentué par le drainage.
Téléchargez les résultats Nouvelle-Aquitaine
Une première vague de résultats 2016-2021 des suivis réalisés en Nouvelle-Aquitaine a été produite. Deux versions résumées sont disponibles en cliquant sur les boutons ci-dessous.